2025 : travailler à « l’espérance de l’improbable »1
Quitter une année pour une autre. Un changement numéral et symbolique. Et dans les cœurs souffle souvent une lueur d’espoir : les bonnes résolutions, les vœux, les promesses mordantes, les nécessités lumineuses et essentielles. Ça se fête et « y a de la joie !».
Pour toutes ces raisons, nous vous souhaitons une belle année 2025.
Et on recommence : la nouvelle année sera… Qui peut le savoir ? Quel pronostic ? Un mystère. C’est dur à entendre mais, l’hypothèse la plus crédible serait la continuité avec la précédente : une année injuste pour les précaires, indigne pour les migrant·es, dure pour les minorités, fâcheuse pour les libertés, fragile pour la démocratie. Mais sûrement lucrative, luxuriante et profitable pour les plus riches et les puissants « de ce monde ».
Une année à venir certainement placée, comme les quarante dernières, sous le signe d’une soi-disant crise, sœur jumelle de l’austérité et de la rigueur. Hélas, quand la crise ne passe pas, c’est qu’elle devient un état permanent, un quotidien habillé d’une austère banalité. Un quotidien dans lequel la société devient celle du spectacle, de l’accélération et de la consommation hystérisée. Dans laquelle les institutions politiques deviennent un gadget au service du plus petit nombre, s’éloignant de l’idée même de démocratie. Une société de la file d’attente.
De quoi briser les aspirations les plus vaillantes. De quoi ne plus aimer la Saint Sylvestre.
Mais alors, d’où peut provenir l’espoir, pour nous, habitants et habitantes des villes, des quartiers et des périphéries, ancrés dans ce que nous imaginons être l’idéal populaire ? Pourquoi et pour qui rallumer les lampions et les bougies ? Comment retrouver du souffle quand tout va trop vite ?
Peut-être en commençant par se dire qu’ici, à la Maison-phare comme ailleurs, les instants passés ensemble sont précieux et uniques. Œuvrant sur notre capacité à faire société ; en équilibre et rageusement libre. Peut-être que faire société ici est possible et juste, à une échelle humaine, en sortant des logiques financières et monétisées. En sortant des logiques d’assignation, de domination et de planification. Enfants bâtisseurs et habitant·es organisateurs. Sans exclure la dispute et la confrontation mais en garantissant sans cesse la justice des choix et des opinions.
Notre travail est de construire des moments d’éducation populaire, des instants d’égalité, de solidarité et d’humanité. Des espaces de pédagogie sociale et d’éducation politique. En espérant donner du sens à ce quotidien morcelé par les crises. Modestes endroits humains toujours ouverts et accessibles. Prenant le contre-pied de la démesure et de cette comédie moderne en étant là, présent·es, attentives et attentifs, actif·ves et disponibles. Espaces critiques de la routine mais fervents défenseurs de lieux de vie permanents. En cultivant l’improbable mais sans illusion.
C’est ce qui fait lien pour nous : ne pas se dire « à bientôt » mais « à demain ». Et remplacer l’espoir par le réalisme de notre temps. Par le faire, par le voir, par le vrai. Être là « tout le temps ».
Faire ainsi du temps notre allié alors que dans le « grand monde », il devient marchandise. Voir dans le temps qui passe ce que nous pouvons reprendre et apprendre. « A défaut d’argent, donnons nous du temps »2. Voici notre proposition pour tenter de re-peindre la vie en rose. Et enfin passer de belles années.
Pour la Maison-phare,
Mathieu Depoil et Bernard Desoche
1 – Edgard Morin, philosophe
2 – I AM, « La fin de leur monde »